Albert Anker — L’artiste et l’homme dans son temps
En plus d’avoir été l’un des artistes les plus appréciés de la peinture suisse du XIXe siècle, Albert Anker révèle une empathie qui le distingue nettement des autres réalistes et portraitistes de son époque. Sa personnalité est riche de facettes diverses : sensibilité, vision humaniste du monde, sens de ses responsabilités de père de famille. Ayant vécu et travaillé à Paris et à Anet (Ins), il était enraciné à la fois dans la culture allemande et dans la culture française. Outre ses œuvres bien connues, il en a laissé d’autres, plus personnelles, destinées uniquement à ses proches. De nombreuses photos, lettres et dessins témoignent de l’esprit ouvert et cosmopolite de cet homme.
Albert Anker est né en 1831 à Anet, dans le Seeland. Il a suivi une formation classique de peintre dans l’atelier du Vaudois Charles Gleyre à Paris. Dans ses débuts, il a exploré un style artistique influencé par le classicisme de Jean-Auguste-Dominique Ingres.
Homme cultivé, lisant des livres dans 5 langues différentes, Albert Anker s’est intéressé aux questions sociales, politiques et éducatives de son époque. Dans ses tableaux, il ne dénonce pas, mais illustre les valeurs rurales et bourgeoises dans un style pictural réaliste. Toutefois, les lecteurs de journaux ou les élèves d’Anker témoignent aussi de l’émancipation d’une population rurale qui aspire à devenir une communauté de citoyens bien informés et responsables. C’est à Albert Anker que l’on doit les plus beaux portraits d’enfants que le réalisme du 19e siècle ait produit en Europe.
L’intérêt d’Albert Anker, mais aussi ses doutes sur l’ère industrielle naissante, sont saisissable dans sa correspondance variée avec des amis et compagnons de vie. Anker est en son temps un artiste couronné de succès, très lié au monde de l’art international et autant présent à Paris qu’en Suisse. Il tient un atelier à Paris durant des décennies et participe régulièrement au Salon où il rencontre un succès égal à celui que connaissent ses expositions itinérantes en Suisse. Par l’intermédiaire de la galerie parisienne d’Adolphe Goupil, dont le gérant est le frère de Vincent van Gogh, Théo, ses œuvres entrent dans des collections privées dans toute l’Europe. Albert Anker vit régulièrement à Paris dès 1854 jusqu’en 1890. Il dispose officiellement de deux résidences. Ses illustrations de Gotthelf lui valent une grande notoriété. Dans son pays natal, il occupe des fonctions publiques communales, cantonales, et pour finir même au niveau fédéral. À Anet, il est membre de la commission scolaire, du conseil paroissial et du chœur d’hommes. En tant que membre du Grand Conseil bernois, il s’engage pour la construction d’un Musée des Beaux-Arts à Berne et suit aussi bien la correction des eaux du Jura que la vie économique du jeune État fédéral fondé en 1848. En tant que membre de la Commission fédérale des beaux-arts et de la Fondation Gottfried Keller, il défend l’idée de soutenir les artistes et de constituer des collections publiques d’œuvres d’art.
« Anker est-il encore vivant ? Je pense souvent à ses œuvres, elles sont conçues avec tant d’habileté et de finesse. Il est vraiment d’un autre temps… »
Albert Anker (1831-1910) est sans conteste le plus populaire des peintres suisses. Ses portraits d’enfants et de personnes âgées du village d’Anet sont absolument inoubliables. En revanche, les dessins d’académie, les faïences et les esquisses libres qu’il a réalisé à Paris sont peu connus. Ou encore ses aquarelles lumineuses, proches de l’impressionnisme, réalisées lors de voyages d’études de plusieurs mois, principalement en Italie.
La recherche sur Anker a depuis peu découvert que l’artiste était un humaniste ouvert au monde, cultivé et à l’esprit curieux. Ses écrits peuvent aussi servir d’exemple pour notre époque.
Lien vers la biographie de l’artiste de l’Institut suisse pour l’étude de l’art (SIK-ISEA).
Lettre du 9 juin 1849, sur le thème de l’art, adressée par le jeune Albert Anker, alors âgé de 18 ans, à son camarade d’étude et peintre Auguste Bachelin :
Lettre du 9 juin 1849, sur le thème de l’art, adressée par le jeune Albert Anker, alors âgé de 18 ans, à son camarade d’étude et peintre Auguste Bachelin :
… Qu’est-ce que l’art ? En premier lieu, l’art ne consiste pas à imiter, il consiste en deux choses : premièrement, il faut se forger en imagination un idéal, deuxièmement, il faut représenter cet idéal pour l’œil de ses semblables, lui conférer une forme qui soit accessible à notre regard et à nos oreilles…
Je crois que le beau qui doit guider l’artiste dans son travail et constituer le fondement de toute création artistique consiste en l’harmonie entre l’idéal de l’artiste et toutes les possibilités qui sont à sa disposition pour le représenter…
L’artiste doit apprendre à donner une forme extérieure à son idéal, il doit en outre fréquenter les ateliers et les musées pour profiter des expériences des autres. Tout comme le poète apprend sa langue, la substance de ses vers, pour créer son œuvre, le peintre doit, pour concrétiser son idéal, apprendre à manier le pinceau, à appliquer les couleurs ; il doit savoir dessiner…